Les articles ...

 

À la recherche du Commando perdu Michel Croteau, La tache d'huile Mars-Avril 1997

Le Retour du ACE CAFÉ Gilles Lachance, La tache d'huile Mai-Juin 1998

Vieilles Affaires Y. Martin Proulx, Moto Journal Juin 1999

 

 

 


 

À la recherche du Commando perdu


Je suis né quelques jours après l'assasinat de John F. Kennedy. A la fin des années 60, je jouais dans mon carré de sable et je ne m'arrêtais que pour regarder les autos et les motos passer dans ma rue. C'était l'époque des gros clubs de motards et lorsqu'ils passaient dans mon village natal (St-Agapit), enveloppé dans un torrent de chrome et de décibels, la plupart des gens les ragardaient avec dégoût. Mais moi, ti-cul de 7-8 ans, je les regardais défiler jusqu'au dernier et je savais qu'un jour, j'aurais une moto, plus que ça: UN BECIQUE A GAZ !

La première moto que j'ai conduite (à l'age de 12 ans) était celle de mon frère: une Kawa 125cc semi-trail, semi-route. J'ai passé quelques étés d'ardues négociations avec mon frère, car je ne pensais qu'à faire de la moto. Le bruit et la "boucane bleue" générés par mon passage ont eu un effet dévastateur sur ma bonne réputation, le quartier au complet souhaitait de tout coeur que j'me plante pour de bon (ce qui n'est jamais arrivé). Je roulais dans la plus complète illégalité: en shoe-clack, t-shirt, pas de casque, pas de tête ...

Le milieu de mon adolescence correspond à la fin des années 70. Je ne suis donc pas de la génération des motos Anglaises mais bien des motos Japonaises (ne me tirez pas de roches, j'y peux rien... ). Les quatres cylindres japonais étaient pour nous le top du top, tant pour le look que pour le son. Moi et mes t'chums on salivait jour et nuit pour l'un de ces engins. La Honda CB750 (la vieille) était pour moi le summum et, encore aujourd'hui, c'est un très bel engin.

Ma première moto à moi fut une Honda CB 350, deux cylindres, 1973, de couleur orange brûlé. La grande admiration de Soichiro Honda pour les motos britanniques était bien évidente lorsque l'on regardait de près ce modèle (comme c'est également le cas pour la CB750). Ma mère, comme la plupart de nos mères, n'appréciait pas du tout ma nouvelle acquisition. Mon père n'a pas dit un mot et j'ai découvert plus tard pourquoi : quand je n'étais pas là, il partait avec !

J'ai donc passé ma première soirée, ou devrai-je dire ma première nuit, de nouveau mototcycliste à tourner en rond dans le stationnement de l'aréna et ce, dans un profond état d'extase (j'avais pas de plaque). C'était une chaude soirée d'août; j'avais 16 ans. Je vois encore la lumière des cadrans , le son, les vibrations, l'éclat du chrome dans la nuit; j'étais seul au monde et, encore plus seul que je ne le pensais, lorsqu'à trois heures du matin j'ai manqué de "gaz" et que la station-service d'en face était fermée. J'étais malgré tout heureux de pousser l'engin jusque chez nous et de finir la nuit assis sur la galerie, tout simplement à regarder ma moto.

Je suis entré dans la vie d'adulte sans pour autant perdre le goût de la motocyclette, contrairement à la plupart de mes t'chums. Mes études ont forcé quelques étés sabbatiques de moto, mais j'en ai toujours possédé une. Je passais d'une moto japonaise à une autre.

Une vrai motocyclette, pour moi, est l'équivalent du cheval pour un cow-boy. Issu d'une très grande tradition de design et de conception, c'est un objet très personnel qui fait appel à un groupe de personnes bien spécifiques et passionnées de la chose. Ce n'est pas un moyen de transport banal et il n'y a pas de place pour monsieur tout le monde. Le constructeur d'un vrai bécique ne fait pas, ou n'a pas fait, de compromis pour plaire à tout le monde. Il adopte un design et une conception bien à lui, simple et facile d'entretien, et ne passe pas son temps à tout changer d'un bout à l'autre. On aime ou on n'aime pas, c'est tout. Et c'est comme ça que l'on développe la fidélité des vrais maniaques de la chose: ceux qui aiment une Triumph apprécient autant ses défauts que ses qualités car il y a une constance dans les modèles. Ils en viennent à parfaitement connaître leur bécique, les pièces et les techniques d'entretien sont sensiblement toujours les mêmes.

Le vrai motocycliste est pour moi quelqu'un qui possède un vrai BECIQUE A GAZ, c'est-à-dire une moto telle que décrite plus haut, une moto légendaire qui a un style bien à elle et qui n'est pas parfaite. Le motocycliste en vient à connaître parfaîtement sa monture et il est le seul qui peut la faire démarrer, la conduire et l'entretenir parfaitement. Il ne peut pas tout faire, mais il n'a pas peur de se salir les mains. Il personnalise sa moto et se fout du style des autres. Sa moto devient son moyen d'évasion dans une société trop conformiste qui tend à nous suggérer des passe-temps plus "politically correct". Quand tu roules en moto, y'a personne pour te dire que t'as mal travaillé au bureau cette semaine, personne pour te reprocher de ne pas avoir fait ton gazon, pas de publicité, pas de musique énervante, pas de téléphone, personne ne peut te rejoindre: tu es seul avec la route et ton bécique, LA PAIX.

La motocyclette des années 80 n'évoluait vraiment pas dans ce sens. Les constructeurs qui inondaient le marché, c'est-à-dire, les japonais, passaient et passent encore leur temps à essayer d'adapter leurs modèles au profit de monsieur tout le monde. Au lieu d'adopter un style bien à eux, ils changent constamment de modèles et modernisent la chose jusqu'à ce qu'elle n'ait plus de défauts. Ils n'y a plus d'exclusivité, tout le monde peu avoir une moto et la chose est banalisé. Une balade en moto n'est plus un instant magique mais plutôt quelque chose de quotidien et banal. De quoi vous faire perdre le feu sacré...

Mais ma passion des motos ne s'est jamais éteinte. C'est la seul partie de mon adolescence qui refuse obstinément de mourir. Mes goûts dans le domaine se sont beaucoup raffinés par mes nombreuses lectures. J'ai pu ainsi élargir mes horizons et découvrir des modèles de motos qui correspondaient vraiment à ma conception d'un vrai bécique: Indian, Ducati, Moto Guzzi, BMW, Harley-Davidson, mais surtout, surtout les Motos Britaniques!
Elles ont tout: tradition, style et conception bien à elles, simplicité, constance, de vraies sculptures sur roues.

Et c'est par un soir d'hiver, en écoutant du Pink-Floyd et en regardant une revue de moto, que j'ai fini par arrêter mon choix. Une Norton Commando 850 roadster 73 ou 74, noire lettré or. L'incarnation même du BÉCIQUE A GAZ. La consigne était claire: il m'en faut une ! C'était le début d'une longue et stimulante recherche.

Pas facile au début quand tu ne connais personne dans le domaine. J'ai fait de nombreux téléphones et kilomètres pour tomber sur des cas, tel qu'une Yamaha XS 650 en train de rouiller dans une grange (le gars a dit: "j'pensais que c'tais une Triumph..."), ou finalement sur un bonhomme qui te dit: "j'ai déjà eu une Norton Commando. Elle trainait, dans le hangar depuis plusieurs années. Je l'ai envoyée à la scrap l'année passée. Si tu étais venu avant, je te l'aurais donnée..." (Grrrrrrr....).

Je suis également tombé sur quelques gars qui effectivement avaient une moto anglaise, mais qui préféraient la laisser rouiller sur place plutôt que de la vendre. La valeur monétaire des engins restait toujours un sujet des plus tabou ! Devant l'apparente rareté de la chose, j'étais prêt à considérer n'importe quelle moto anglaise de plus de 500 cc, peu importe l'état (je n'avais pas d'idée de l'enfer que j'aurais vécu si j'étais tombé sur un "basket case"). En dernier, j'appelais même dans les cours à scrap pour voir s'il n'y trainerait pas à quelque part une épave de moto anglaise oublié...

En janvier 1992, j'ai eu la chance de tomber sur un vrai fanatique de moto anglaise, Jean-Yves Corriveau, qui s'est fait plaisir de me montrer sa rutilante Triumph 650 cc et la BSA 500 cc de son frère. Elles semblaient sortir tout droit de l'usine: la peinture, les chromes, tout brillait! Je suis tombé à genoux et je me suis mis à saluer à la musulmane ces deux sculptures. Je me sentais comme un hindou venu d'Asie et qui se retrouve devant le Tâdj-Mahall. J'avais devant moi deux parfaits exemples de motos issues des plus grandes tradition britanique. Cependant, le prix de l'une d'elle aurait nettement défoncé mon maigre budget.

Sans le savoir, j'approchais de mon but. Jean-Yves, pour qui la moto anglaise est un prétexte pour passer des nuits blanches, m'a permis de faire la connaissance de Mario Leblond, un gars qui a des connaissances techniques impressionnantes concernant la motos britaniques. Très technique, Mario a su cependant rester simple et très amicale. Lorsque je suis entré chez lui, j'ai eu une vision inoubliable: il y avait devant moi trois Triumphs et ...deux Norton Commando 850cc. La première était dans un état qualifié de "better than new". C'était la moto personnelle de Mario et toute la technique et le savoir faire du propriétaire s'y reflétaient: un bijou. Le prix serait encore une fois au-delà de mon budget.

La deuxième, une 1974, portait des convercles et un réservoir de "Hi-rider" orange. Quelques petits travaux devaient être faits (freins, chaîne, pneu, shifter...) mais elle était complète et un très bon état visuel: pas de rouille (0%), frame totalement noir, chrome pas piqué (great!).

J'ai passé une soirée mémorable à parler avec mes deux comparses de moto et j'ai découvert deux gars qui ont exactement la même vision que moi sur le sujet. Cette nuit là, je n'ai pas pu dormir. Je voyais la "Commando 850 orange" à chaque fois que je fermais les yeux (j'là veux, j'là veux, j'là veux, j'là veux....).

J'ai fait une offre, on a conclu un accord, on a changé le réservoir et les couvercles pour obtenir un roadster, et ce Norton Commando 850 1974 est devenu mien. C'étais la première fois que j'achetais une moto sans l'essayer. J'ai fait confiance à mes yeux et à Mario et je ne l'ai pas regretté.

Mon travail et mon déménagement à Sept-Iles ne m'ont permis d'essayer mon bécique qu'au printemps 1994. Ce fut une révélation complète. Le son, les vibrations, je revivais ma première soirée avec mon 350 lorsque j'avais 16 ans, mais en mieux. Jamais je n'avais conduit un pareil engin: tenue de route impeccable et précise, shifter à droite, kick strater only, roue avant qui tremble au idle: un vrai BÉCIQUE À GAZ. Je me sentais comme un ti-gars de 7-8 ans à qui on permet de prendre pour la première fois le guidon d'une tondeuse, l'impression de puissance était et est encore aujourd'hui très tangible. J'ai enfin trouvé le "Commando perdu" et je ne regrette pas mon choix. Et grâce au club, je sais que je ne suis pas seul.

Salut.
Michel Croteau


Article paru dans le journal "La tache d'huile", édition de Mars-Avril 1997

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ACE CAFE
Le Retour

Le Ace Café fut le plus populaire de tous les cafés fréquentés par les motards en Angleterre. Il fut construit à Londres en 1938 en bordure d'une route qui était empruntée régulièrement par les routiers. Cette route donnait accès à une voie rapide de contournement de la ville de Londres appelée "North Circular Road". Étant situé à proximité de cette grande artère et ouvert 24 heures sur 24. le Ace Café a rapidement attiré les motocyclistes. Il est devenu un lieu de rencontre pour prendre un repas, boire une tasse de thé, organiser une ballade ou simplement pour parler de moto.

Après la guerre, le trafic routier augmenta rapidement. Il y eu le phénomène des teenagers et l'arrivée du Rock 'n Roll. C'est aussi durant les années 50 et 60 que l'industrie britanique de la moto atteignit son apogée. Tous ces facteurs contribuèrent à l'augmentation constante de la clientèle du Ace.

En effet, durant les premières années du Rock 'n Roll, les "tubes" populaires ne tounaient pas à la radio et les seuls endroits où on pouvait les entendre étaient là où il y avait un "juke box". Ces deux phénomènes en émergence qu'étaient la moto et le Rock 'n Roll donnèrent naissance aux légendaires "record races", expression qui signifie "courses contre le disque". Le jeu consistait à faire jouer un 45 tours dans un juke box, à sauter sur sa moto et à parcourir un certain trajet avant que la chanson soit terminée.

Les années 50 et 60 constituèrent une époque particuliaire dans l'histoire de la moto en Angleterre, quand des hordes de jeunes, vêtus d'une veste de cuir noire se rassenblaient le soir en des endroits comme le Ace Café pour voir quelle moto était le plus rapide. Ces jeunes se désignaient comme des "rockers" et ils faisaient la loi sur les routes.

Certain soirs, on a dénombré jusqu'à 300 motos sur le stationnement du Ace Café. Les motard avaient l'habitude de s'asseoir sur un petit muret en face du Café en attendant que le trafic diminue. Lorsque le trafic avait suffisamment diminué, les courses débutaient afin de déterminer la moto la plus rapide.

The Ace Cafe


Ton-Up boy Le trajet à partir du Ace Café représentait une distance de 3 milles et demi. En sortant du stationnement, il fallait tourner à gauche pour prendre la route circulaire. Le candidat passait sous une série de viaducs avant de parvenir aux feux de circulation à Stonebridge Park. Après avoir jeté un coup d'oeil de chaque côté, il fallait brûler les feux rouges pour se coucher ensuite sur leur réservoir d'essence afin d'atteindre la plus grande vitesse possible. Généralement, on atteignait 90 milles à l'heure dans la grande courbe qui conduisait à une montée marquant l'entrée d'un pont de fer.


À la sortie du pont à une vitesse d'environ 80 milles à l'heure, il fallait appliquer les freins énergiquement pour négocier la prochaine courbe à gauche qui devenait de plus en plus accentuée. Venait ensuite une légère courbe sur la droite conduisant à un rond-point marquant le milieu du trajet. Le candidat devait alors faire demi-tour et revenir sur ses pas. Souvent, un témoin se tenait au rond-point pour vérifier que le condidat n'emprunte pas un raccourci. C'est comme cela qu'est née l'expression "café racer". Café Racer


Triton Les Triumph twins étaient favorites comme base de départ pour créer un café racer. En effet, les BSA Gold Star et les Vincent étaient très convoitées mais la plupart des jeunes ne pouvaient pas se les payer. De plus, le moteur Triumph, et plus particulièrement le 650 cc, pouvait être gonflé assez facilement et à peu de frais. Lorsque les premières Norton avec leur chassis "Featherbed" sont arrivées sur le marché vers 1953, elles se sont rapidement imposées comme offrant la meilleure tenue de route. Cependant, le moteur Norton de 500 cc procurait des performances légèrement inférieures à celles du moteur Triumph. La solution pour réaliser le café racer le plus rapide était donc toute trouvée: installer un Triumph twin dans un chassis Featherbed. C'est ainsi que la mode des Triton est née.


Ceux qui parvenaient à dépasser la vitesse magique (pour l'époque) de 100 milles à l'heure furent appelés les "ton-up boys" parce que le mot "ton" signifie "cent" dans le jargon anglais. Aujourd'hui, cette expression désigne tout simplement "les fous de la moto".

Quelques fois, ces courses effrainées se sont terminées tragiquement. La plupart des vétérants du Ace peuvent nommer au moins une personne qui y a perdu la vie. Les décès survenus sur la "North Circular Road" ont eu pour effet de donner une mauvaise réputation aus "ton-up boys" dans les journaux de l'époque.

Ton-up boys


Ace Café en 1969 Personne ne sait exactement quand et comment ces courses légendaires sur le "North Circular Road" ont débuté, mais les rassemblements de motocyclistes au Ace Café ont débuté avec les années cinquante et se sont poursuivies jusqu'à sa fermeture en 1969. Après la fermeture du café, le bâtiment fut utilisé tour à tour comme poste d'essence, librairie et boutique de pneus.

Cependant, la bâtisse demeure à peu près inchangée aujourd'hui. Vingt-neuf ans se sont écoulés depuis la fermeture du Ace Café. Mais l'esprit du phénomène moto demeure profondément ancré dans la culture "rocker".



Sous l'implusion de Mark Wilsmore, un groupe de nostalgiques décida d'organiser un événement annuel pour commémorer la fermeture du Ace Café. Le premier rassemblement a eu lieu le 4 septembre 1994. Des groupes de motocyclistes en provenance de plusieurs régions de l'Angleterre et même d'autres pays d'Europe ont convergé vers le site original du Ace Café. Plus de 12 000 personnes se sont rassemblés pour revivre l'époque du Ace. Il y avait quelques vétérans venus revivre les plus beaux jours de leur jeunesse. Cependant, la plupart étaient trop jeunes pour avoir connu le Café avant sa fermeture. Mais tous étaient à la recherche de cet univers quasi-mythique des café-racers. Mark Wilsmore


Devant le succès rencontré par un tel événement, les organisateurs ont décidé de le répéter à chaque année. Gace à l'augmentation constante du nombre de participants (ils étaient 18 000 en 1996), les organisateurs ont choisi le "Brightons Madeira Drive" comme lieu de rassemblement. En septembre 1997, le ACE DAY a attiré pas moins de 25 000 motocyclistes d'un peu partout en Europe et même d'Amérique.


Par ailleurs, Mark Wilsmore et son équipe rêvaient depuis longtemps de ré-ouvrir le Ace Café. Mais, pour y parvenir, il fallait acheter la bâtisse et surtout recueillir de l'argent. Durant l'année 1997, ils ont obtenu une promesse de vente sur le bâtiment et ils ont formé un club, le "Ace Café London Club", pour amasser l'argent nécessaire à l'achat et à la remise en état du bâtiment.

La réouverture a eu lieu le 7 décembre 1997. La Café est aujourd'hui ouvert tous les dimanche de 8 heure le matin à 8 heure le soir. Dès que les rénovations seront terminées, le Ace sera ouvert tous les jours comme au bon vieux temps.



Comme vous le savez probablement défà, l'intérêt pour les motos classiques est en pleine expansion présentement un peu partout dans le monde. Le phénomène des "café racers" revient même en force en Angleterre et Europe. Même les Japonnais s'y intéressent. La firme Ducati a dans sa lignée 1998 un modèle appelé "CR" qui signifie... Vous l'avez deviné ! Il n'est donc pas surprenant que ce qui était impensable il y a quelques années puisse aujourd'hui se produire: la réouverture du Ace Café.

Je vous invite à visiter le site Web du Ace Café.

Gilles Lachance



Article paru dans le journal "La tache d'huile", édition de Mai-Juin 1998

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Vielles affaires


Les fanatiques de motos anciennes semblent de plus en plus nombreux. Pur radotage, ou savent-ils quelque chose que nous ignorons?


Par Y. Martin Proulx paru dans l'édition de juin 1999 de Moto journal


Sur la scène mondiale, l'engouement pour les machines d'une autre époque est un des phénomènes les plus marquants de l'histoire récente de la moto. Le nombre d'expositions, de compétitions, de Clubs, de rallyes et même de commerces dédiés exclusivement aux motos anciennes a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années. Le phénomène est si puissant que même les grands manufacturiers ont emboîté le pas, mettant sur le marché de nouvelles motos copiant sans ambages les thèmes classiques de l'histoire de la moto.

Le Québec n'échappe pas à cette vague, comme nous avons pu nous en rendre compte en assistant l'été dernier à divers rassemblements. Et ici comme ailleurs, le phénomène n'attire pas seulement des p'tits vieux accrochés au passé: de plus en plus de "jeunots" se laissent séduire par la simplicité, la tradition et la riche histoire de ces belles d'autrefois.

Speed Twin

Qu'est-ce qu'une moto antique au juste? La définition peut être aussi stricte ou aussi large que vous le désirez. Lors des concours d'élégance organisés par l'autorité reconnue en la matière au pays, le Canadian Vintage Motorcycle Croup (CVMG), les motos anciennes sont classées chronologiquement selon la période à laquelle elles appartiennent:


Indian

Au Québec, la SAAQ utilise quant à elle le qualificatif antique lorsqu'elle émet une plaque d'immatriculation pour une moto âgée d'au moins 25 ans. Toutes cylindrées confondues, il ne vous en coûtera que 85$ plus taxes pour immatriculer une telle moto. Techniquement, cette plaque vous donne droit de circuler uniquement sur les routes dont la vitesse permise n'excède pas 70 km/h; selon un avocat membre d'un club de motos antiques, il serait possible de circuler sur toutes les routes dans le cadre d'une activité organisée par un club.

Une moto antique effectuant un retour sur la route doit évidemment passer une inspection avant d'être ainsi immatriculée.

Nous n'avons pu obtenir de chiffres précis concernant la croissance du phénomène, mais selon un évaluateur travaillant dans un centre d'inspection des véhicules routiers, "il y a une certaine augmentation des motos antiques ces dernières années."

Notre spécialiste de la vérification note aussi que "ceux qui remettent des motos sur la route sont fiers de leurs machines, c'est vraiment rare que l'on voit des poubelles. Plus elles sont vieilles et plus elles sont en ordre. Pour nous c'est important que les motos soient sécuritaires; nous inspectons les différents roulements, le système de freins, les lumières... C'est comprenable qu'une vieille Bultaco, par exemple, ne soit pas originale à 100 pour cent; ça devient pour nous une question de jugement. Il ne doit pas y avoir de fuites et c'est certain qu'on ne laissera pas passer une moto équipée d'échappements libres." Selon lui, parmi les machines de 25 ans et plus qui se présentent à l'inspection, près de la moitié serait composée de motos de collection ou ayant une certaine valeur; dans l'autre moitié, on retrouverait plus de modèles japonais.

Pour plusieurs motocyclistes, une belle moto ancienne est souvent la première qu'on a possédée ou celle dont on a tant rêvé. Ceci expliquerait la récente infiltration des motos japonaises dans les cercles de motos antiques, traditionnellement garnis de machines anglaises.

Différents types de personnes ont la piqûre des motos antiques, mais la constante demeure sensiblement la même selon Claude Carrier du Club de vieilles motos anglaises du Québec (CVMAQ). "Le nouveau membre qui adhère au club possède déjà une vieille moto, une anglaise bien sûr, mais il vient de découvrir qu'il y a au Québec des clubs où il est possible d'échanger et tisser des liens avec d'autres passionnés tout en élargissant son réseau d'approvisionnement en pièces".

Marché aux puces

Le CVMAQ illustre bien le virage que semblent prendre les propriétaires de motos antiques au Québec. En 1993 le Club avait 25 membres; en 1997 le nombre était rendu à 70 pour finalement atteindre 150 en 1998.

Les relations entre les différents clubs sont généralement cordiales, plusieurs amateurs étant membres de différents clubs, comme le CVMG qui, sur le pan national, dénombrait 1 711 membres en 1998.

L'initiation de Carrier débuta en 1988. "Après avoir roulé des grosses double-usage pendant une quinzaine d'années, je me suis acheté une Harley flambant neuve. Trois ans plus tard, après avoir réalisé que ça me coûtait un bras en assurances, j'ai vendu ma Harley. Étant donné que je remontais déjà des voitures anglaises depuis près de 20 ans, j'ai décidé d'acheter ma première vieille Triumph." Depuis, c'est le grand amour.

Carrier possède quatre motos. Pour rouler, il dit qu'il prend sa moto "moderne", une BMW R90S 1974. "J'ai une Triumph Bonneville 1970 entièrement d'origine et j'ai presque terminé de remonter une Triumph avec une touche Café Racer. J'en ai une dernière éparpillée dans des boîtes." Carrier parcourt en moyenne 3 000 km par année sur sa Bonneville. "J'suis un peu mémère, je la garde très propre." Certains membres du club iraient jusqu'à parcourir quelque 13 000 km par saison. Ceux qui font beaucoup de kilométrage optent souvent pour ce que Carrier appelle "la grosse paix": l'allumage électronique et les pneus modernes. Leurs motos sont généralement moins authentiques et moins propres, mais elles roulent presque quotidiennement. Côté entretien et mécanique, 75 à 80 pour cent des membres mettraient la main à la pâte. Certains sont plus frotteux que rouleux, tandis que pour d'autres c'est l'inverse.

Lorsqu'on lui demande ce qui l'intéresse le plus dans les motos anciennes, Carrier répond "Les hivers sont longs, je les passe à bricoler. J'éprouve autant sinon plus de satisfaction à remonter une moto qu'à la rouler." Il ajoute que sa passion ne lui coûte presque rien: "Lorsque tu possèdes un modèle en demande et que tu l'entretiens bien, sans être pressé tu peux généralement récupérer ton investissement lors de la revente." De toute évidence, une heure de travail ne vaut pas cher dans ce milieu...

Ducati

Une grande partie du plaisir lorsqu'on possède une moto antique est lié à la chasse, où l'art de dénicher la bonne pièce au bon prix. Ceci exige un sens de la communauté très développé. Fins adeptes du téléphone arabe et de l'interurbain, les amateurs de vieilles affaires échangent en toute camaraderie trucs, indices et numéros de téléphones afin d'assouvir leur perpétuel besoin de pièces. Bien qu'ils soient "traditionnellement traditionnels", certains d'entre eux lorgnent discrètement du côté de l'Internet, mondialisant ainsi leur réseau.

Honda Certains personnages possédant un bagage de connaissances et un stock de pièces imposants en viennent à atteindre un statut mythique parmis leurs pairs. Par exemple, si vous possédez une vieille mono-cylindre Ducati vous voudrez sûrement parler à l'Ontarien Henry Hogben; pour les motos anglaises il y a, tout près, Chris Stewart de Moto Montréal (voir le bas de la page).

Une visite à un rassemblement comme celui du CVMG à Ormstown l'an dernier synthétise parfaitement l'ambiance Vintage: un bel après-midi passé calmement à la campagne, sous le soleil, en compagnie de nombreux adeptes venus pour rouler et se raconter diverses anecdotes plus riches les unes que les autres. Parmi les principaux événements organisés cet été, on note:

Pour obtenir de l'info virtuelle:
CVMG: www.cvmg.on.ca
CVMAQ: www.geocities.com/motorcity/9798
VMQ (événement): www.moto.qc.ca




Antiquaire malgré lui


Quand Chris Stewart fonda son commerce en 1975, Il n'était pas question de motos anciennes: les Triumph étaient actuelles. C'est donc le déroulement des événements qui fit de Moto Montréal la voûte aux trésors qu'elle est devenue aujourd'hui.
Les techniques modernes cherchant à minimiser les inventaires, vous ne trouverez pas ça chez Moto Montréal: ici les rayons des étagères regorgent de pièces anglaises méticuleusement classifiées. Marcher parmi les allées de pièces donne l'impression de voyager dans le temps. Des carburateurs Amal neufs dans leurs boîtes, des échappements, des selles, des petites pièces enveloppées dans des journaux britanniques... On voudrait admirer le tout bien assis dans un coin, en mangeant un fish and chips et en sirotant une Guinness en silence.

Peu importe la pièce, elle risque d'être là, Lorsqu'elle n'est plus disponible du fabricant, il y a de bonnes chance que Moto Montréal l'ait elle-même fait fabriquer. En discutant, on sent que Stewart aimerait qu'un plus grand nombre de vieilles anglaises se retrouvent sur la route et non sous une cloche de verre.

Chris Stewart
Besoin d'un ressort de levier de kick pour une Triumph 1935? Chris Stewart de Moto Montréal l'a en inventaire.
Moto Montréal, c'est plus qu'un marchand de pièces et un concessionnaire de nouvelles Triumph. C'est d'abord une famille, des deux côtés du comptoir.

Kawasaki W650

Des motos vieilles et neuves à la fois

L'intérêt suscité par les motos antiques est suffisamment important pour que les grands fabricants tentent d'en profiter en mettant sur le marché des motos neuves exécutées à la sauce ancienne. Diverses approches sont privilégiées certaines compagnies utilisent leur vieil outillage pour remettre en production d'anciens modèles (comme la Yamaha SR5OO); d'autres habillent des modèles existants pour leur donner un look antique (comme les Kawasaki Drifter); et d'autres encore développent une toute nouvelle machine au goût d'autrefois (comme la Kawasaki W650 ci-haut). Le marché japonais est particulièrement dynamique à ce niveau, un nombre considérable de nouvelles motos célébrant la gloire du passé étant disponible.

 

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Dernière mise à jour : janvier 2004