La série des "15"...putain d'souvenirs
C'était le 15 aout 1989.
J'étais en vacances à Villers, chez Jean-le beauf, avec les deux gamines.
Au loin, dans la plaine du Val d'Amour, un ronflement qui grossit. Ce bruit, tellement agréable, je le reconnais de suite, c'est le Devil de la FZR de Michou.
Michou, c'est mon pote, je suis content de le revoir.Il y a longtemps qu'on se connaît: on devait avoir cinq ou six ans quand on est devenu copains. A l'époque, notre champion, celui qu'on rêvait de devenir un jour, c'était "le Touz". Jean Touzalin, notre idole, celui qui nous laissait groggys, émerveillés, à chacun des passages de sa "moto d'course", sur les routes de la région. Une "fantaisie" qui pouvait encore passer, à l'époque, mais on était en 1954 ou 55, alors!....
Le "sorcier d'Arc et Senans" avec sa voix nasillarde, ses mains en or, qui avaient quelque chose de chirurgical quand elles désossaient les moteurs de Ferrari ou de Maseratti, qu'on lui amenait, souvent de fort loin. Le Touz' avec son gromono, qu'on entendait arriver de tout là-bas, au bout de la plaine, du côté de Chamblay.
"C'est l'Touz' ça y est , il arrive"
Cette silhouette, ce bruit qui enfle, énorme...il est passé...l'odeur du ricin....il est déjà loin, maintenant, il attaque la côte de la Jacolarde, du côté de Mouchard.
C'est encore tellement précis dans ma tête, ces souvenirs d'enfance....
Et puis, notre tour à nous aussi, est venu de rouler. Au début, combien de bornes ai-je fait , derrière Michou, sur sa 3.5 Horex ou sa Triumph? Toujours derrière, même quand j'ai eu ma propre moto. Il allait tellement vite, tellement bien, il était "tellement propre"....
Jamais de jalousie, il était "ce que j'aurais voulu être" ma référence, mon grand frangin. lCe cochon-là, il savait tout faire, comme son père Mimile, et puis Christian, le p'tit frangin. Il partait d'un simple moteur de tronçonneuse, et vous fabriquait un kart parfaitement opérationnel!
Les carters du moteur qu'il venait d'acheter d'occase étaient trop longs pour son cadre de Triumph? Qu'à cela ne tienne! On coupe, on rapporte, on manchonne, on brase...."la direction est un poil plus lourde, mais ça tient mieux le pavé, ça va fin bien!
Plus tard, vers 73.74, quand les Arboisiens descendaient au Castellet, sa 7.5 Commando avait toujours un gros succès! des photos, des questions... Des Anglaises avec un frein à disque à l'arrière, y en avait pas légion, alors! Il avait modifié son bras oscillant, et monté un frein à disque de R8 Gordini!.....
C'était le 15 aout 1989
Michou descend de la Yam, et dit "tu choppes ton casque, tu descends à l'atelier, moi je prendrai la GSXR du Christian,et on va rouler un peu pour que t'essaies ma bécane"...
Et nous voilà partis, encore derrière lui, encore à me chier d'sus. Pourquoi est-ce que j'essaie de le suivre, puisque je peux pas?Ca va vite, ça va trop vite pour moi, bien trop! 2.20, 2.30, 2.40, ça ouvre encore, c'est moi qui suis plus. Je vais m'gauffrer, je vais forcément m'gauffrer! Sur les grandes lignes droites, dans les bois, en montant vers Champagnole, de part et d'autre de la route, les hauts sapins du Jura sont comme des murailles, qui défilent à une vitesse vertigineuse pour moi.
Mais la "ballade" s'est bien terminée, le soir, on a arrosé mon "baptême des 200" comme il fallait, nos gamines nous ont fait un remarquable spectacle de danse, le Poulsard et le Savagnin d'Arbois allaient bien-merci, ce soir-là, on était heureux.
C'était le 15 septembre 1989
Michou et Christian sont de passage sur Toulon, à l'occasion du Bol, au Castellet.
"Ah! putain, Silvère, on peut crever d'main, on s'en fout! On aura pris notre pied au moins une bonne fois avec les bacanes!....jamais marné comme ça depuis qu'on roule....cinglés...Juste deux Allemands qu'on essayé de s'accrocher un moment, vers Nantua, y s'ont pas suivi longtemps!"
Re-souvenirs de motos, re-rigolades, re-canons, le Côte de Provence est pas mal non plus...
Le lendemain, on monte au circuit pour l'arrivée. Eux sont déjà sur zone depuis le matin.
Ma fille: "tu crois qu'on va les retrouver, P'pa"?
Moi: "tu sais, Marianne, on doit être 60 ou 70 000 là-autour, ça reléverait du miracle"...C'est arrivé quelques secondes après -réellement- les deux compères arrivaient en face de nous. Ca m'a fait drôle, une espèce de mal-être....
C'était le 16 octobre 1989
Je suis dans "la Royale", sur la Frégate Dupleix. Nous arrivons en escale à Bangkok. Pendant les manoeuvres de mouillage, au milieu du fleuve, je suis demandé chez le Pacha en second.
"On a reçu ce téléx cette nuit, c'est pour vous, je suis désolé...."
Il y était écrit: "Michou s'est tué hier soir en moto. Essaie de me rappeler. Bisous. Chantal"
C'était il y 15 ans...Putain d'souvenirs
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