Les fanatiques de motos anciennes semblent de plus en plus nombreux. Pur radotage, ou savent-ils quelque chose que nous ignorons?

 

Par Y. Martin Proulx paru dans l'édition de juin 1999 de Moto journal

 

Sur la scène mondiale, l'engouement pour les machines d'une autre époque est un des phénomènes les plus marquants de l'histoire récente de la moto. Le nombre d'expositions, de compétitions, de Clubs, de rallyes et même de commerces dédiés exclusivement aux motos anciennes a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années. Le phénomène est si puissant que même les grands manufacturiers ont emboîté le pas, mettant sur le marché de nouvelles motos copiant sans ambages les thèmes classiques de l'histoire de la moto.

Le Québec n'échappe pas à cette vague, comme nous avons pu nous en rendre compte en assistant l'été dernier à divers rassemblements. Et ici comme ailleurs, le phénomène n'attire pas seulement des p'tits vieux accrochés au passé: de plus en plus de "jeunots" se laissent séduire par la simplicité, la tradition et la riche histoire de ces belles d'autrefois.

 

Qu'est-ce qu'une moto antique au juste? La définition peut être aussi stricte ou aussi large que vous le désirez. Lors des concours d'élégance organisés par l'autorité reconnue en la matière au pays, le Canadian Vintage Motorcycle Croup (CVMG), les motos anciennes sont classées chronologiquement selon la période à laquelle elles appartiennent:

 

Au Québec, la SAAQ utilise quant à elle le qualificatif antique lorsqu'elle émet une plaque d'immatriculation pour une moto âgée d'au moins 25 ans. Toutes cylindrées confondues, il ne vous en coûtera que 85$ plus taxes pour immatriculer une telle moto. Techniquement, cette plaque vous donne droit de circuler uniquement sur les routes dont la vitesse permise n'excède pas 70 km/h; selon un avocat membre d'un club de motos antiques, il serait possible de circuler sur toutes les routes dans le cadre d'une activité organisée par un club.

Une moto antique effectuant un retour sur la route doit évidemment passer une inspection avant d'être ainsi immatriculée.

Nous n'avons pu obtenir de chiffres précis concernant la croissance du phénomène, mais selon un évaluateur travaillant dans un centre d'inspection des véhicules routiers, "il y a une certaine augmentation des motos antiques ces dernières années."

Notre spécialiste de la vérification note aussi que "ceux qui remettent des motos sur la route sont fiers de leurs machines, c'est vraiment rare que l'on voit des poubelles. Plus elles sont vieilles et plus elles sont en ordre. Pour nous c'est important que les motos soient sécuritaires; nous inspectons les différents roulements, le système de freins, les lumières... C'est comprenable qu'une vieille Bultaco, par exemple, ne soit pas originale à 100 pour cent; ça devient pour nous une question de jugement. Il ne doit pas y avoir de fuites et c'est certain qu'on ne laissera pas passer une moto équipée d'échappements libres." Selon lui, parmi les machines de 25 ans et plus qui se présentent à l'inspection, près de la moitié serait composée de motos de collection ou ayant une certaine valeur; dans l'autre moitié, on retrouverait plus de modèles japonais.

Pour plusieurs motocyclistes, une belle moto ancienne est souvent la première qu'on a possédée ou celle dont on a tant rêvé. Ceci expliquerait la récente infiltration des motos japonaises dans les cercles de motos antiques, traditionnellement garnis de machines anglaises.

Différents types de personnes ont la piqûre des motos antiques, mais la constante demeure sensiblement la même selon Claude Carrier du Club de vieilles motos anglaises du Québec (CVMAQ). "Le nouveau membre qui adhère au club possède déjà une vieille moto, une anglaise bien sûr, mais il vient de découvrir qu'il y a au Québec des clubs où il est possible d'échanger et tisser des liens avec d'autres passionnés tout en élargissant son réseau d'approvisionnement en pièces".

Le CVMAQ illustre bien le virage que semblent prendre les propriétaires de motos antiques au Québec. En 1993 le Club avait 25 membres; en 1997 le nombre était rendu à 70 pour finalement atteindre 150 en 1998.

Les relations entre les différents clubs sont généralement cordiales, plusieurs amateurs étant membres de différents clubs, comme le CVMG qui, sur le pan national, dénombrait 1 711 membres en 1998.

L'initiation de Carrier débuta en 1988. "Après avoir roulé des grosses double-usage pendant une quinzaine d'années, je me suis acheté une Harley flambant neuve. Trois ans plus tard, après avoir réalisé que ça me coûtait un bras en assurances, j'ai vendu ma Harley. Étant donné que je remontais déjà des voitures anglaises depuis près de 20 ans, j'ai décidé d'acheter ma première vieille Triumph." Depuis, c'est le grand amour.

Carrier possède quatre motos. Pour rouler, il dit qu'il prend sa moto "moderne", une BMW R90S 1974. "J'ai une Triumph Bonneville 1970 entièrement d'origine et j'ai presque terminé de remonter une Triumph avec une touche Café Racer. J'en ai une dernière éparpillée dans des boîtes." Carrier parcourt en moyenne 3 000 km par année sur sa Bonneville. "J'suis un peu mémère, je la garde très propre." Certains membres du club iraient jusqu'à parcourir quelque 13 000 km par saison. Ceux qui font beaucoup de kilométrage optent souvent pour ce que Carrier appelle "la grosse paix": l'allumage électronique et les pneus modernes. Leurs motos sont généralement moins authentiques et moins propres, mais elles roulent presque quotidiennement. Côté entretien et mécanique, 75 à 80 pour cent des membres mettraient la main à la pâte. Certains sont plus frotteux que rouleux, tandis que pour d'autres c'est l'inverse.

Lorsqu'on lui demande ce qui l'intéresse le plus dans les motos anciennes, Carrier répond "Les hivers sont longs, je les passe à bricoler. J'éprouve autant sinon plus de satisfaction à remonter une moto qu'à la rouler." Il ajoute que sa passion ne lui coûte presque rien: "Lorsque tu possèdes un modèle en demande et que tu l'entretiens bien, sans être pressé tu peux généralement récupérer ton investissement lors de la revente." De toute évidence, une heure de travail ne vaut pas cher dans ce milieu...

Une grande partie du plaisir lorsqu'on possède une moto antique est lié à la chasse, où l'art de dénicher la bonne pièce au bon prix. Ceci exige un sens de la communauté très développé. Fins adeptes du téléphone arabe et de l'interurbain, les amateurs de vieilles affaires échangent en toute camaraderie trucs, indices et numéros de téléphones afin d'assouvir leur perpétuel besoin de pièces. Bien qu'ils soient "traditionnellement traditionnels", certains d'entre eux lorgnent discrètement du côté de l'Internet, mondialisant ainsi leur réseau.

Certains personnages possédant un bagage de connaissances et un stock de pièces imposants en viennent à atteindre un statut mythique parmis leurs pairs. Par exemple, si vous possédez une vieille mono-cylindre Ducati vous voudrez sûrement parler à l'Ontarien Henry Hogben; pour les motos anglaises il y a, tout près, Chris Stewart de Moto Montréal (voir le bas de la page).

Une visite à un rassemblement comme celui du CVMG à Ormstown l'an dernier synthétise parfaitement l'ambiance Vintage: un bel après-midi passé calmement à la campagne, sous le soleil, en compagnie de nombreux adeptes venus pour rouler et se raconter diverses anecdotes plus riches les unes que les autres. Parmi les principaux événements organisés cet été, on note:

Pour obtenir de l'info virtuelle:
CVMG:
www.cvmg.on.ca
CVMAQ:
www.geocities.com/motorcity/9798
VMQ (événement):
www.moto.qc.ca