Le Ace Café fut le plus populaire de tous les cafés
fréquentés par les motards en Angleterre. Il fut construit à Londres en 1938 en
bordure d'une route qui était empruntée régulièrement par les routiers. Cette
route donnait accès à une voie rapide de contournement de la ville de Londres
appelée "North Circular
Road". Étant situé à proximité de cette grande artère et ouvert 24 heures
sur 24. le Ace Café a rapidement
attiré les motocyclistes. Il est devenu un lieu de rencontre pour prendre un
repas, boire une tasse de thé, organiser une ballade ou simplement pour parler
de moto.
Après la guerre, le trafic routier augmenta rapidement. Il
y eu le phénomène des teenagers et l'arrivée du Rock 'n Roll. C'est aussi
durant les années 50 et 60 que l'industrie britannique de la moto atteignit son
apogée. Tous ces facteurs contribuèrent à l'augmentation constante de la
clientèle du Ace.
En effet, durant les premières années du Rock 'n Roll, les "tubes" populaires ne tournaient pas à la radio et les seuls endroits où on pouvait les entendre étaient là où il y avait un "juke box". Ces deux phénomènes en émergence qu'étaient la moto et le Rock 'n Roll donnèrent naissance aux légendaires "record races", expression qui signifie "courses contre le disque". Le jeu consistait à faire jouer un 45 tours dans un juke box, à sauter sur sa moto et à parcourir un certain trajet avant que la chanson soit terminée.
Les années 50 et 60
constituèrent une époque particulière dans l'histoire de la moto en
Angleterre, quand des hordes de jeunes, vêtus d'une veste de cuir noire se
rassemblaient le soir en des endroits comme le Ace Café pour voir quelle moto
était le plus rapide. Ces jeunes se désignaient comme des "rockers"
et ils faisaient la loi sur les routes.
Certain soirs, on a dénombré jusqu'à 300 motos sur le
stationnement du Ace Café. Les motards avaient l'habitude de s'asseoir sur un
petit muret en face du Café en attendant que le trafic diminue. Lorsque le
trafic avait suffisamment diminué, les courses débutaient afin de déterminer
la moto la plus rapide. |
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Le trajet à partir du Ace Café
représentait une distance de 3 milles et demi. En sortant du stationnement,
il fallait tourner à gauche pour prendre la route circulaire. Le candidat
passait sous une série de viaducs avant de parvenir aux feux de circulation à
Stonebridge Park. Après avoir jeté un coup d'œil de
chaque côté, il fallait brûler les feux rouges pour se coucher ensuite sur
leur réservoir d'essence afin d'atteindre la plus grande vitesse possible.
Généralement, on atteignait 90 milles à l'heure dans la grande courbe qui
conduisait à une montée marquant l'entrée d'un pont de fer. |
À la sortie du pont à une
vitesse d'environ 80 milles à l'heure, il fallait appliquer les freins
énergiquement pour négocier la prochaine courbe à gauche qui devenait de plus
en plus accentuée. Venait ensuite une légère courbe sur la droite conduisant
à un rond-point marquant le milieu du trajet. Le candidat devait alors faire
demi-tour et revenir sur ses pas. Souvent, un témoin se tenait au rond-point
pour vérifier que le candidat n'emprunte pas un raccourci. C'est comme cela
qu'est née l'expression "café racer". |
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Les Triumph
twins étaient favorites comme base de départ pour
créer un café racer. En effet, les BSA Gold Star et les Vincent étaient très
convoités mais la plupart des jeunes ne pouvaient pas se les payer. De plus,
le moteur Triumph, et plus particulièrement le 650
cc, pouvait être gonflé assez facilement et à peu de frais. Lorsque les
premières Norton avec leur châssis "Featherbed"
sont arrivées sur le marché vers 1953, elles se sont rapidement imposées
comme offrant la meilleure tenue de route. Cependant, le moteur Norton de 500
cc procurait des performances légèrement inférieures à celles du moteur Triumph. La solution pour réaliser le café racer le plus
rapide était donc toute trouvée: installer un Triumph
twin dans un châssis Featherbed.
C'est ainsi que la mode des Triton est née. |
Ceux qui parvenaient à dépasser
la vitesse magique (pour l'époque) de 100 milles à l'heure furent appelés les
"ton-up boys" parce que le mot "ton" signifie
"cent" dans le jargon anglais. Aujourd'hui, cette expression
désigne tout simplement "les fous de la moto".
Quelques fois, ces courses effrénées se sont terminées
tragiquement. La plupart des vétérans du Ace peuvent nommer au moins une
personne qui y a perdu |
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Personne ne sait exactement
quand et comment ces courses légendaires sur le "North
Circular Road" ont débuté, mais les
rassemblements de motocyclistes au Ace Café ont débuté avec les années
cinquante et se sont poursuivies jusqu'à sa fermeture en 1969. Après la
fermeture du café, le bâtiment fut utilisé tour à tour comme poste d'essence,
librairie et boutique de pneus.
Cependant, la bâtisse demeure à peu près inchangée
aujourd'hui. Vingt-neuf ans se sont écoulés depuis la fermeture du Ace Café.
Mais l'esprit du phénomène moto demeure profondément ancré dans la culture
"rocker". |
Sous l'impulsion de Mark Wilsmore, un groupe de nostalgiques décida d'organiser un
événement annuel pour commémorer la fermeture du Ace Café. Le premier
rassemblement a eu lieu le 4 septembre 1994. Des groupes de motocyclistes en
provenance de plusieurs régions de l'Angleterre et même d'autres pays
d'Europe ont convergé vers le site original du Ace Café. Plus de 12 000
personnes se sont rassemblés pour revivre l'époque du Ace. Il y avait
quelques vétérans venus revivre les plus beaux jours de leur jeunesse.
Cependant, la plupart étaient trop jeunes pour avoir connu le Café avant sa
fermeture. Mais tous étaient à la recherche de cet univers quasi-mythique des
café-racers. |
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Devant le succès rencontré par
un tel événement, les organisateurs ont décidé de le répéter à chaque année.
Grâce à l'augmentation constante du nombre de participants (ils étaient 18
000 en 1996), les organisateurs ont choisi le "Brightons
Madeira Drive" comme lieu de rassemblement. En septembre 1997, le ACE DAY a attiré pas moins de 25 000 motocyclistes d'un peu
partout en Europe et même d'Amérique. |
Par ailleurs, Mark Wilsmore et son équipe rêvaient depuis longtemps de
ré-ouvrir le Ace Café. Mais, pour y parvenir, il fallait acheter la bâtisse
et surtout recueillir de l'argent. Durant l'année 1997, ils ont obtenu une
promesse de vente sur le bâtiment et ils ont formé un club, le "Ace Café
London Club", pour amasser l'argent nécessaire à l'achat et à la remise
en état du bâtiment.
La réouverture a eu lieu le 7 décembre 1997. La Café est
aujourd'hui ouvert tous les dimanche de 8 heure le
matin à 8 heure le soir. Dès que les rénovations seront terminées, le Ace
sera ouvert tous les jours comme au bon vieux temps. |
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Comme vous le savez probablement
déjà, l'intérêt pour les motos classiques est en pleine expansion
présentement un peu partout dans le monde. Le phénomène des "café
racers" revient même en force en Angleterre et Europe. Même les Japonais
s'y intéressent. Je vous invite à visiter le site Web du Ace Café . |
Article paru dans le journal "La tache d'huile", édition de Mai-Juin 1998