Ce soir j’ai fait un rêve
mon amour étonnée,
plein d’ardeur et de sève
plein des feux de l’été.
Tu étais attachée
à une brève chaîne
au fond de l’atelier
au coeur de mon domaine.
La maison endormie
résonnait de ces bruits
que fait toute vie
entravée dans la nuit.
Ce soir, j’ai fait un rêve
mon amour enchaînée,
tu en étais la fève
tu en étais le fée.
Par mes soins condamnée
à l’immobilité
pour parler ou bouger
le tribut d’un baiser.
Ton corps enfin soumis
à mes trois volontés
blanc au fond de la nuit,
fragile et dénudé.
Ce soir j’ai fait un rêve
mon amour adorée
tu étais la seule Eve
tu étais possédée
car ton corps sublimé
à tes mains interdit
j’en possédais les clés
visitais les replis
J’étais donc le soleil
je faisais ton printemps
je veillais ton sommeil
je capturais ton temps
Ce soir j’ai fait un rêve
mon amour caressée
tu étais une grève
et j’étais la marée
et sous mes mains mobiles
qui chantaient des romances
tes seins tremblaient fragiles
soulevés d’impuissance
Vestale enfin offerte
aux quatre horizons
prêtresse découverte
soumise à mes onctions.
Ce soir j’ai fait un rêve
mon amour torturée
on y voyait le glaive
des fouets encuirés
sans avoir sans aveux
tu tremblais de ton nu
écrasée de mes yeux
et ta honte j’ai bu
Sous les fers et les cuirs
la mèche qui sifflait
tu fuyais ces plaisirs
en tirants sur les rêts
Ce soir j’ai fait un rêve
mon amour enchantée
où la lune soulève
le feu de la veillée
le frisson qui courrait
de ton dos à tes pieds
est-ce l’air du marais
ou le goût du baiser
quand ton coeur si sévère
a plié devant moi
indifférent aux fers
pour s’unir à ma voix
Ce n’était pas un rêve
mon amour libérée
le matin qui se lève
nous trouve enlacés
sur ton corps de déesse
recouvert de baisers
traîne encore une laisse
et un large collier
Et cette nuit de fête
plein d’un rêve éveillé
nul oubli ne la guette
notre amour l’a gagnée.
 Emmort
Diekirch, le 13/10/92
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